René PIOT, modèle de persévérance et de passion : figurer le mouvement, du croquis à la représentation monumentale

Merci au Centre de documentation du Musée Départemental Maurice Denis pour l’accès à ses ressources documentaires
Merci également à la thèse conséquente de Madame Nathalie Loyer sur l’artiste

À l’exposition coloniale de Marseille de 1922 dansait une troupe de jeunes cambodgiennes. Non loin de là, un travailleur acharné croquait les modèles, capturait les lignes des mouvements. Cet homme n’était autre que René Piot, subjugué par les petites danseuses, qu’il observait avec son regard habile et exigeant. Après avoir pris de nombreuses photographies au milieu de la troupe, il réalisa des centaines de dessins. Il se comporta en ethnographe, rapportant les détails des costumes et des coiffures et fixant les gestes codifiés de la danse. Une fois rentré à Paris, René Piot usa de ses connaissances techniques pour reproduire au mieux les croquis et photographies réalisés sur place, en grand format.

Musée_du_quai_Branly_Peintures_des_lointains_René_Piot_Danseuse_cambodgienne_03012019_6364Cette jeune danseuse au fond d’or a été l’un des modèles que l’artiste a pu rencontrer à cet événement. Les matériaux utilisés, tempéra et feuilles d’or sur bois, démontrent des connaissances techniques précises1. Avec une tiare posée sur le haut de la tête, (qui semblerait être un « Mokot ksat », coiffe traditionnellement utilisée dans le ballet royal voir image) le regard toisait celui de l’artiste. Légende de la photographie : Danseuse cambodgienne, tempera et feuilles d’or sur bois par René Piot, 1922. Musée du quai Branly, Inv 75. 9982, en dépôt au Musée National des Arts Asiatiques – Guimet ( MNAAG ). Photo prise lors de l’exposition « Peintures des lointains » au Musée du quai Branly, du 30/01/2018 au 03/02/2019. Source : wikipedia commons, https://bit.ly/2Heyyfl, consulté le 4 mars 2019

Paul Marie René Piot naquit le 14 janvier 18662 dans le deuxième arrondissement parisien3. Il évolua dans une bourgeoisie issue du commerce, un environnement aisé où il ne manquait de rien. Son amour de l’art venait probablement de sa grand-mère, qu’il voyait peindre des natures mortes lorsqu’il lui rendait visite à Thiais. Devenu grand, il se maria à Marie Justine Baechler, avec laquelle il eut une fille : Hélène Marie Renée Piot.

Durant sa formation d’artiste, plusieurs maîtres lui léguèrent leurs manies et secrets ; au fil de ses rencontres, Piot devint un artiste passionné. Aux Beaux-Arts, il fut d’abord formé par Pierre Andrieu4, un ancien élève de Delacroix ; il intégra ensuite l’atelier de Gustave Moreau, où il rencontra des artistes qui marquèrent chacun l’histoire à leur manière. Moreau et Andrieu lui transmirent l’admiration des grands maîtres. Ses camarades, tel que Maurice Denis ou Matisse,  lui permirent de s’intéresser au renouveau de l’art.

Armé de connaissances techniques solides, l’artiste était prêt à créer sa propre vision de l’art. Plus tard, il fut un grand collaborateur de Jacques Rouché au Théâtre des Arts. Ces multiples influences expliquent donc aujourd’hui la diversité de ses compétences, tant au niveau technique qu’au niveau pictural.

Cet article se divise en trois grandes parties, dont voici des aperçus succincts permettant de guider le lecteur :

Ier ÉPISODE : LA FABRIQUE DE L’ARTISTE 

§1 Les palettes de Delacroix, dans l’oeil d’Andrieu : de la rigueur
§2 Dans la « pépinière » de Gustave Moreau : de l’ancien à l’innovant


IIème ÉPISODE : ET LA TECHNIQUE DES ANCIENS PRIT DES AIRS D’ORIENT


§1 Le primitivisme
§2 La fresque
§3 L’exotisme


IIIème (et dernier) ÉPISODE : “DE LA GRÂCE PLUS QUE DE LA BEAUTÉ”38

§1 Du théâtre pictural
§2 Au pas de la danse cambodgienne
§3 De la passion

épisode1 

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Ier ÉPISODE : LA FABRIQUE DE L’ARTISTE

LES PALETTES DE DELACROIX, DANS L’OEIL D’ANDRIEU

En 1886, René Piot entrait à l’École des Beaux-Arts de Paris, dans l’atelier de Pierre Andrieu, lui-même formé par Delacroix. Ce fut le point de départ de sa carrière. Piot avait été attiré par la réputation d’Andrieu, considéré comme « le seul dépositaire des pensées et des secrets”5 de Delacroix, une sorte de « clé vivante »6. Pour le jeune artiste, c’était l’opportunité d’accéder à la peinture et à la personnalité du grand peintre. Andrieu était fasciné par Delacroix, et si cet engouement n’était pas déjà présent chez Piot, les précieuses confidences d’Andrieu finirent d’attendrir le jeune homme.

Pierre Andrieu se plaisait à appeler Delacroix son “demi-dieu”. Il l’avait rencontré en 1845, en s’inscrivant à son atelier. L’enseignement qui y était donné avait pour objectif de former les élèves à seconder le maître dans ses grands travaux : leur mission consistait à préparer la palette de Delacroix, à calquer et copier les oeuvres, jusqu’à être aptes à reproduire sa technique. Andrieu raconta à René Piot l’enseignement particulier qu’il avait reçu : « Après avoir travaillé six mois à son esquisse, le Maître me dit : je suis prêt. Voilà ce qu’il faut reproduire en grand. Pour me pénétrer de sa pensée, il me fit d’abord copier, calquer tous les dessins qu’il avait faits, puis étudier les moyens de réaliser en grande dimension l’équivalent (forme et couleur) de son esquisse même.« 7 Delacroix, connu pour être un vrai despote, l’était tout particulièrement avec Andrieu, « son élève fidèle » et “clerc”8 (selon René Piot). Ce faisant, l’héritage acquis par Andrieu fut transmis à Piot.

La rigueur était de mise dans l’atelier de Delacroix et les élèves eurent un apprentissage exigeant. René Piot, rapportant la description de Pierre Andrieu, le décrivit ainsi par écrit : « Delacroix avait ouvert un atelier pour trouver des aides. Quand il avait vu un jeune homme pouvant le servir; il l’astreignait chez lui à un esclavage absolu. Avant de commencer la Galerie d’Apollon,9 il fit passer à Andrieu des nuits à copier et calquer ses dessins pour lui imposer sa manière. »10 L’influence de l’enseignement d’Andrieu fut sans conteste ; en 1931, René Piot rédigeait un ouvrage intitulé : “Les Palettes de Delacroix”. Dans celui-ci, il y dévoilait la loi des palettes du maître, qui, selon ses termes, permettaient tout le talent de l’artiste. Il écrivait alors qu’il voulait “faire comprendre la loi de ces palettes qui, à première vue, semblent si compliquées, mais (…) qui ne sont que l’admirable ordonnance d’une logique générale (…)”.11 Baudelaire, connu pour être un fervent admirateur de Delacroix, avait lui-même affirmé à ce sujet : « Je n’ai jamais vu (…) de palette aussi minutieusement et aussi délicatement préparée (…). Cela ressemblait à un bouquet de fleurs savamment assorties. »12

Piot acquis sa rigueur d’exécution grâce à l’enseignement d’Andrieu. Évoquant son premier cours dans l’atelier 13, il se rappelait qu’Andrieu avait apporté des artichauts frais du matin, pour les lui faire peindre. Tandis qu’il le regardait exécuter le travail, il lui expliquait que le but de l’exercice n’était pas de prendre plaisir à copier : l’art n’avait « pas pour but de copier« . Cette première leçon avait pour objectif d’inculquer une première idée de Delacroix, comme quoi « la peinture est un art de réflexion et non d’improvisation.

Palette ayant appartenu à DelacroixPalette ayant appartenu à Delacroix – source, consulté le 8 mars 2019

Après cela, Andrieu lui apprit un second savoir-faire émanant de Delacroix : l’importance de la palette. Pour la saisir, il fallait d’abord que Piot réalise le dessin et les contrastes sur une feuille de papier. Il devait ensuite calquer ce dessin sur une toile, qu’il ne devait pas peindre selon ses impressions, mais selon la tonalité perçue : « trop de gammes étant possibles pour le même objet. » Il dût préparer tous ses tons le premier jour. Dès qu’il eut fini, Andrieu lui retira les tubes et le laissa avec les tons préparés en avance sur sa palette. Il y avait « des gammes de tons entre lesquelles il ne fallait en choisir qu’une pour le même tableau« , et cette gamme devait être choisie « selon la première impression reçue de l’objet à traduire. » Toute cette technique d’apprentissage était donc tirée de celle de Delacroix, comme il donnait une importance capitale à sa palette : de cette manière, à partir du moment où il avait “arrêté les lignes contrastées de (sa) composition et toute la combinaison du contraste des tons sur (sa) palette (…)”,14 son tableau était fait.

A corner of the studio 1830 - DelacroixCoin d’atelier – Le poêle, Eugène Delacroix, 1830, conservé au Musée du Louvre.
Source, consulté le 8 mars 2019

L’enseignement strict de Delacroix, que Piot comparait presque à un esclavage, posait une question ardue ; qui du maître ou de l’élève devait se revendiquer auteur d’une oeuvre, quand elle était pensée par le maître puis réalisée par l’élève. Un échange épistolaire entre deux protagonistes de l’époque montrait l’ambiguïté de la question ; Philippe Burty, qui était connu pour ses travaux de critique d’art, collectionneur, lithographe et dessinateur, répondait à un ancien élève de Delacroix, dont le nom était Lassale-Bordes 15. La question de l’affiliation des oeuvres de Delacroix était mise en question par cet élève, Lassale-Bordes, qui considérait qu’il avait réalisé plusieurs des oeuvres de Delacroix et qu’il devait s’en revendiquer l’auteur. Il accusait son ancien maître de lui avoir volé son travail. Il avait voué à Delacroix un attachement immense et l’avait secondé pendant dix ans, “dans les travaux les plus ardus qu’il était incapable physiquement d’entreprendre”, et l’accusait alors d’un égoisme qui avait selon lui “brisé (sa) carrière d’artiste”. Il ajoutait ensuite : “Bien des personnes savaient, sans que je m’en fusse vanté, qu’à part la composition, tout le travail de la bibliothèque du Luxembourg était mon oeuvre.” En réponse à ces accusations, Delacroix lui avait reproché d’être incapable de placer correctement des figures pour qu’elles présentent un ensemble harmonieux. Delacroix lui avait pourtant dit auparavant : “Eh bien ! oui, mon cher Lassale, unissons-nous, ne nous séparons jamais, continuons à peindre ensemble : faisons un mariage ; je serais la tête et vous serez le bras.15bis

René Piot avait son avis sur cette anecdote ; selon lui, la raison qui fit croire à Lassale-Bordes qu’il avait réalisé certains tableaux du maître lui-même était dûe au fait que Delacroix peignait avec une rapidité “vertigineuse”.16 Alors, Lassale-Bordes devait travailler “péniblement”17 , et lorsque Delacroix arrivait dans l’atelier, il ne lui fallait que deux journées pour transposer le tableau préparé. Piot expliqua donc que “le pauvre confondait le temps et le génie.”18

Si Lassale-Bordes avait réellement des aptitudes étouffées par cette vivacité bien connue, ne les aurait-il pas décuplées à partir de sa séparation avec son maître qu’il disait dictateur? Ce qui est certain, c’est que bon nombre des élèves de Delacroix profitaient de son exigence démesurée pour s’imprégner de son talent, ce qui permit à un artiste comme Andrieu de s’en nourrir avant de le transmettre à Piot.

DANS LA “PÉPINIÈRE” DE GUSTAVE MOREAU : DE L’ANCIEN À L’INNOVANT

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Gustave Moreau, Venus Rising from the Sea (1866) (Israel Museum) wikimedia.commons.org, cons. 4/03/2019

Gustave Moreau fut nommé chef d’atelier aux Beaux-Arts de Paris, alors que Piot faisait partie du groupe des Nabis après avoir rencontré Maurice Denis, Sérusier et Gauguin à l’Académie Julian. Ainsi, à l’âge de 25 ans,19 René Piot s’inscrivit dans cet atelier et devint un fidèle élève de Moreau, bien que, selon Maurice Denis, le maître était « à l’antipode de nos idées(…) », mais il représentait cependant bien « l’idéalisme avec un rare talent et une ferveur intellectuelle qui devait (…) alimenter une éclatante lignée de grands peintres. »19bis  Piot y développa ainsi un intérêt pour les arts du passé avec son nouveau maître, ainsi qu’un goût avant-gardiste avec les autres élèves. 

Après un enseignement très technique auprès d’Andrieu, Piot appris de Moreau un art moins conformiste, où les élèves étaient invités à suivre leurs intuitions. Il incitait chacun d’eux à être eux-même, ou à le devenir. Pour lui, les artistes devaient être guidés par leur émotion pour trouver le chemin de leur art. Il transmit également son amour de la technique des anciens en emmenant ses élèves au musée, et là, il les orientait vers les arts du passé.20 Cependant, il ne dissociait pas comme le faisaient les maîtres académiques de l’époque, la couleur du dessin ; Moreau aimait partir du principe que les deux éléments naissaient ensemble, sous les doigts de l’artiste. Grâce à cet enseignement, Piot n’affirma jamais la primauté du dessin sur la couleur : il ne s’impliqua donc pas dans les débats des rubénistes/poussinistes, Ingres/Delacroix.21

Gustave Moreau légua au jeune Piot l’exigence et le goût d’un travail acharné et consciencieux. René Piot découvrit l’amour d’un art noble, auquel on doit tout sacrifier : Moreau considérait l’art comme quelque chose de sacré. N’ayant jamais eu besoin d’en vivre, ils avaient tous deux développé une conception aristocratique de la peinture, réservée à quelques initiés ; le but étant de se satisfaire soi-même, avant de satisfaire les autres. D’ailleurs, Piot ne manqua pas de transmettre ce principe à son frère, lorsqu’un jour il fut soucieux de son ambition : « Augmente toi pour t’augmenter. (…) Augmente-toi jalousement pour toi seul et fous toi du reste. »22

Dans ce qu’André Gide avait écrit à propos de cet atelier, on ressentait déjà que l’esprit de Moreau transparaissait dans les oeuvres des élèves, qui, comme il le soulignait, étaient déjà de grands peintres   : « (…) l’atelier de Gustave Moreau ; extraordinaire pépinière de grands peintres. Si différents qu’ils puissent être les uns des autres, ils ont pourtant ceci de commun : une farouche instansigeance et exigence envers soi-même, un mépris de la facilité, un dédain de la récompense, une âpreté quasi austère qui les font exercer leur art comme une sorte de sacerdoce atelier. L’art n’a que faire de la morale nous le savons, mais certains artistes m’apparaissent, ne leur en déplaise, comme des saints laïques, à la manière de Flaubert ou de Mallarmé. »23 Plus tard, les élèves rapportaient les souvenirs de leur maître Gustave Moreau. Matisse avait écrit : « Ne m’écoutez pas. Ce que vous faites est plus important que tout ce que je vous dis. Je ne suis qu’un professeur, je ne comprends rien. »24 Maurice Denis, pour sa part, en dressait le portrait suivant : «C’est un homme qui, tout en étant incapable de produire lui-même, a su expliquer à ses élèves ce que c’était que la peinture. Il avait une grande science des procédés, il connaissait les maîtres, de sorte que ses élèves en sortrant de chez lui se trouvaient outillés pour faire ce qu’ils voulaient. C’est ce qui explique des hommes comme Piot (…). »25

Après s’être formé dans l’atelier de Moreau, le groupe d’artistes donna naissance à un nouveau mouvement qui bouleversa le monde de l’art : ils furent rapidement connus sous le nom de “fauves”. Et, lors du Salon d’automne de 1905, leur peinture, si éloignée des codes habituellement transmis et hors des conventions, fit scandale. »26

IIème ÉPISODE : ET LA TECHNIQUE DES ANCIENS PRIT DES AIRS D’ORIENT

LE PRIMITIVISME

René Piot fit un court séjour à l’Académie Julian28, école privée de peinture et de sculpture parisienne, avant de s’inscrire dans l’atelier de Moreau. Il y  fit connaissance de Gauguin et de Paul Serusier. Un jour, Paul Serusier l’invita avec un autre élève de l’Académie, Maurice Denis, à déjeuner avec Gauguin. Au dessert, Gauguin, irrité de ne pas réussir à faire comprendre ses idées nouvelles, trempa nerveusement son doigt dans de l’encre et dessina une circonférence sur la nappe blanche, tout en désignant des pommes ; il s’écria : “Mais n. de d., ce n’est pas une pomme ça, c’est un rond ! »29C’est ainsi que Gauguin était entré dans un débat qui parcourait ensuite toute l’histoire de l’art : l’objet, questionné entre entité plastique et entité narrative. Piot en conclut plus tard qu’il devait s’agir justement de la bonne proportion des deux qui pouvait être le critère de primitivité ou de décadence d’un art.

Un peu plus tard, René Piot retrouvait ces deux acteurs, suite à un débat autour d’une peinture de Paul Sérusier, “le Talisman” réalisée sous la direction de Paul Gauguin, durant l’été 1888 ; Gauguin avait incité le peintre à se détacher du réalisme qu’il trouvait limitatif, et à user de couleurs vives et pures. À la vue de ce tableau, les autres étudiants de l’Académie Julian et de l’École des Beaux-Arts s’engagèrent dans de vifs débats sur le rôle sacré de l’art et de la peinture. Sérusier décida donc de se regrouper avec plusieurs de ses proches, et fut rejoint par Pierre Bonnard, René Piot, Henri-Gabriel Ibels, Maurice Denis, Édouard Vuillard, Ker-Xavier Roussel, Paul Ranson, sous le nom de « Nabis ». Ce terme pouvant être traduit par « prophète »30 en hébreu, lui conférant un aspect religieux. Ainsi inspiré du christianisme, les Nabis cherchaient à redonner un caractère «sacré» à la peinture ; ils avaient la volonté d’insuffler un nouvel élan spirituel avec l’aide de l’art, par le biais des philosophies et doctrines nouvelles inspirées de l’Orient.

Paul Sérusier. The Talisman/ Le Talisman. 1888. Oil on wood. 27 x 21.5 cm. Musée d'Orsay, Paris, France. https://commons.wikimedia.org/w/index.php?search=talisman+serusier&title=Special%3ASearch&go=Go#/media/File:Serusier_-_the_talisman-2.jpgPaul Sérusier. The Talisman/ Le Talisman. 1888. Oil on wood. 27 x 21.5 cm. Musée d’Orsay, Paris, France.  Source

Ce que l’on définit aujourd’hui comme « art primitif » en art désigne le fait de « rejeter les canons officiels pour favoriser une expressivité intérieure, sans passer par la voie académique« . Ce terme est aujourd’hui largement péjoratif du fait de l’engouement pour les cultures dites « exotiques », durant toute la période orientaliste du XIXème siècle et les expéditions coloniales. Il ne s’agissait pas seulement de décrire l’ailleurs ; il s’agissait aussi de s’inspirer des oeuvres d’art non occidentales, pour renouveler le regard occidental.27

L’esprit du groupe des Nabis séduisait Piot, notamment à travers l’oeuvre de Maurice Denis, dans laquelle il retrouvait l’esprit religieux qu’il recherchait alors. (Il servit ensuite lui-même de guide à Maurice Denis dans ses expérimentations techniques et picturales, en lui apportant l’enseignement reçu chez Pierre Andrieu31). Il se laissa également fortement influencer par l’oeuvre de Gauguin32, comme il appréciait sa façon de représenter la sensualité des femmes, son usage des couleurs, et parce qu’il aimait aller à l’essentiel, usant de formes simples33.

En 1906, René Piot participa à la réalisation d’une grande rétrospective de l’oeuvre de Gauguin au Salon d’Automne34. Cela l’amena à évoquer « la difficulté terrible qu’on a à faire cette chose si simple, un hommage à des hommes de génie comme Cézanne ou Gauguin.« 35 Il ajoutait ensuite : « Un des caractères des civilisations avancées est le goût de primitivité. Les exemples en sont nombreux au XIXe siècle. (…) Le romantisme croit découvrir le gothique et les élèves de Monsieur Ingres, le byzantin. Mais à mesure qu’une source de primitivité s’épuise, le besoin vient de se reporter à une primitivité plus sauvage. Ainsi, Gauguin va vers les calvaires bretons et, de primitivité en primitivité, naît le goût de l’art nègre qui mène les cubistes à la simplification de l’art abstrait du plan.(…)« 35 Ce n’était que deux ans après, lors du Salon d’Automne de 1908, que les influences de Gauguin pouvaient se lire dans les oeuvres de René Piot. « On retrouve bien, dans les peintures décoratives de M.Piot, des traces de l’enseignement du maître (G.Moreau), mais aussi, et plus encore, l’influence de Gauguin, de ce qu’on appelle, au Salon d’A. même, l’art canaque« 36 

L’amour de son travail, mêlé d’une pointe de nostalgie poussaient Piot à s’intéresser aux arts s’inspirant des siècles passés dans le désir de rejoindre quelque chose de perdu, d’inaccessible. Son attrait pour le primitivisme prit ensuite une orientation plus singulière, lorsqu’il voulut retrouver une des techniques presque tombée dans l’oubli : la fresque. Au temps des Nabis, les artistes rêvaient déjà de grandes surfaces murales à couvrir. Maurice Denis avait d’ailleurs dit : « Il n’y a plus de tableaux, il n’y a que des décorations ; il nous faut des murs à décorer.« 37 

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Ci-dessous, quelques oeuvres de Maurice Denis, exposées au Musée du Luxembourg à Paris, du 13 mars au 30 juin, dans le cadre de l’exposition « Les Nabis et le décor » :

LA FRESQUE

René Piot s’intéressa à la technique de la fresque et contribua à son renouveau au début du 20ème siècle. Pour cela, il remonta ses racines en s’inspirant de la période moyenâgeuse et de la Renaissance.

Dès la période romane et la période gothique, les peintres, alliés des architectes, s’adressaient au peuple par des représentations murales, illustrations des manuscrits :38 ainsi, les décors des édifices et des livres avait alors pour fonction d’instruire. Dès lors, la fresque avait en elle quelque chose de sacré. Ce qui peut être décrit par « art sacré » est ce qui regroupe les oeuvres exprimant le sacré, soit la représentation de ce qui est hors du commun, inaccessible, parfois synonyme d’espoir ; bien entendu, est sacré ce qui n’est pas profane. Les édifices religieux en sont l’exemple le plus probant.

L’art de la fresque est associé à l’une des plus grandes époques d’art : la Renaissance italienne, mais aussi aux plus grands artistes : Giotto, Michel-Ange. Liée à un mur, la fresque semble pérenne, mais cela la rend finalement fragile, car elle demeure immobile, et donc soumise aux risques d’incendies, d’inondations, de guerres, voire même aux caprice d’un nouveau propriétaire.39

La volonté de Piot de renouveler l’art sacré grâce à l’art de la fresque fut d’abord traduite par le triptyque « Martyre de saint Sébastien », actuellement conservé à Orsay. En 1904, les premiers résultats de ses expérimentations furent exposés ; lorsqu’il présentait deux cent onze de ses oeuvres à la Galerie Georges Petit, il avait trente-huit ans.40

Piot n’acceptait pas que les choses anciennes se perdent. Il chercha continuellement à percer le mystère des techniques anciennes, tout au long de son oeuvre. Dans ses créations et plus particulièrement dans ses fresques, il appréciait le travail de dorure qui conférait aux oeuvres une dimension sacrée. Ce savoir, il l’avait acquis auprès d’un doreur de Florence qui travaillait avec des techniques traditionnelles, notamment la peinture à l’oeuf qui était une technique particulière et presque plus utilisée, lors de son long séjour qui eut lieu de 1901 à 1903 à Florence. Il apprit à travailler la dorure en relief, estampillant la surface, pour que la lumière s’y accroche et lui donne l’aspect d’une matière moirée, tel un tissu41

Quelques fresques marquèrent la carrière de Piot et furent importantes à noter. L’une fit un grand effet au Salon d’Automne en 1908, ayant pour sujet une chambre funéraire. Par la suite, il en réalisa également deux pour des grands intellectuels de l’époque : André Gide, écrivain français du début du XXème siècle, et Bernard Berenson, historien de l’art américain, spécialiste de la Renaissance italienne. Les deux fresques influencèrent son travail de deux manières différentes. La fresque pour Gide fut une réussite ; le travail qu’il réalisa ensuite pour Berenson n’eut pas le même succès, à ses dépens. Les visuels des fresques et du salon de Bernard Berenson à la Villa I Tatti sont consultables sur ce document de Claudio Pizzorusso, qui a été présenté lors d’une conférence donnée à l’Université de Caen, le 18 octobre 2018.

À l’occasion du Salon d’Automne de 1908, René Piot avait installé une immense fresque comportant trois compositions monumentales et symboliques dans les sous-sols du Grand-Palais, ayant pour sujet pour une chambre funéraire, légendée :  » Resquiescam in pasce « 44. Il avait fait spécialement aménager le sous-sol par des maçons pour l’événement. Par ce travail, Piot voulait faire entendre que l’art de la fresque pouvait renaître  » après quatre siècles de suprématie de la peinture à l’huile « 45. L’oeuvre avait surpris de nombreux regards de l’assemblée par l’aspect  » Gauguinien  » de ses personnages, mais surtout parce qu’il s’agissait d’une véritable fresque, réalisée avec des techniques anciennes, ce qui à l’époque n’était plus tellement courant : les décorations de Puvis de Chavanne donnaient l’impression d’être des fresques, mais étaient en fait des toiles marouflées46. Le repos éternel, les péchés capitaux et de nombreuses figures féminines, des nymphes dans des champs élyséens, des paysages « piqués de fleurettes et ornés de pampres » étaient figurés dans cette iconographie aux inspirations néo-classiciques47. Malheureusement, en 1910, une grande partie de cet important travail fut détruit par une inondation. Le panneau qui demeure intact est conservé au Musée Départemental Maurice Denis, à Saint-Germain-en-Laye.

1600px-Musée_départemental_Maurice_Denis_Le_Prieuré_requiescant_rene_piotRené Piot, Requiescat in pace, 1908, Musée départemental Maurice Denis,
Photo : Chatsam commons.wikimedia.org, consulté le 6 mars 2019

Après avoir longuement admiré cette fresque au Salon d’Automne, André Gide convia Piot à réaliser un décor pour l’une des pièces de sa nouvelle villa. L’écrivain avait acheté un terrain au 38 avenue des Sycomores, à Auteuil, en 1904. Piot y réalisa un décor mural qui fut témoin de ses ambitions monumentales. Celle-ci eut un grand succès. D’ailleurs, Degas, qui était aux yeux de Piot l’un des plus grand artistes du XIXè siècle, fut admiratif à la vue de la fresque ; il avait écrit à Paul Valery, qui correspondait avec André Gide ces lignes : « Dites à Piot que je l’envie. Si j’étais plus jeune, je m’empresserais de me mettre sous sa coupe, je me ferais son élève. Ah ! quel métier admirable, la fresque ! »42 La fresque était composée de femmes,  » deux fois plus petites que nature « , mais aussi de fleurs, de papillons, de paons. Les quelques tons étaient choisi avec raffinement : jaune, marron, lapis-lazuli, vert froid, or. Piot avait utilisé des matériaux nobles, et usé de véritable lapis lazuli pour créer les couleurs de bleu dans son tableau. L’ensemble faisait l’effet  » d’un somptueux tapis d’Orient « , décrivait le comte Harry Kessler, avec son oeil de collectionneur et de directeur de musée, lorsqu’il vit la fresque en 1908, car lorsqu’il s’en approchait, il n’en voyait plus que les détails.  » (…) les femmes sont alors des figures nues animées d’une vie intense, elles dansent et se ploient, ont une sensualité et une grâce extraordinaires, tout à fait françaises et modernes, moitié Degas, moitié Chassériau. (…) « 43avait-t-il ajouté.

Capture d’écran 2019-03-15 à 00.43.38Esquisse pour « Le parfum des Nymphes », René Piot, Photo (C) RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Jean-Gilles Berizzi
Paris, musée d’Orsay, conservé au musée du Louvre. Infos supplémentaires

Claudio Pizzorusso, professeur d’histoire de l’art, a donné le 18 octobre dernier une conférence à l’Université de Caen intitulée « Paris et Florence : artistes en regard ». Il y décrit l’histoire de la fresque que Piot fit pour Bernard Berenson en détail.48

Cette même année, Bernard Berenson se promenait à Paris. Il fit également un passage au Salon d’Automne de 1908, pour découvrir les nouveautés dans le monde de l’art, tandis que les oeuvres de Piot et de Maurice Denis suscitaient de nombreux éloges dans la presse. Il aperçu succinctement la Chambre funéraire de Piot au Grand Palais, mais il ne prit vraiment la décision de commander une oeuvre à Piot qu’après avoir vu le travail réalisé chez Gide. Il commanda donc la décoration de la grande salle de la bibliothèque de sa Villa I Tatti, à Florence, Settignagno. Enthousiaste à cette idée, Piot y passa un premier séjour, durant lequel fit une série d’études d’aquarelles de paysages. Il se laissa cependant déstabiliser par l’influence intellectuelle de Bernard Berenson et eut du mal à savoir ce qu’il pouvait représenter. Il imagina donc une série de décorations sur les 4 murs, inspirées par le poème des “Géorgiques” (le travail de la terre) de Virgile, ce qui lui paraissait entrer en cohérence avec le paysage Toscan, ainsi qu’avec le travail de Berenson. Il réalisa près de 320 dessins pour préparer sa fresque qu’il envoya à Berenson, accompagnés de quelques mots voulant prouver sa bonne volonté : « j’ai quelques fois retourné un mouvement quarante fois avant de trouver le bon. Je vous envoie chaque genèse de chaque mouvement et comme cela pourra vous amuser pour voir mon effort… ».

Cependant, alors que Berenson avait, jusque là, beaucoup apprécié le travail que Piot réalisait, il rentrait un jour d’un long séjour et la vue de la fresque lui provoqua une réaction inverse : il fut raconté qu’il était tombé par terre, abattu par une fièvre de cheval. Il s’avérait néanmoins que ce retournement soudain coïncidait étonnamment avec une histoire qu’il vivait avec une de ses maîtresses, connue pour son travail de bibliothécaire et sa vie de bohême, Belle da Costa Greene : elle avait récemment coupé contact avec Berenson, lorqu’elle apprit qu’elle était enceinte. La fin de cette histoire rendit Berenson fou de chagrin. Le travail de Piot fut-il victime de cette peine de coeur? Berenson était-il tombé de fièvre à la vue d’une fresque influencée par les goûts de Belle Greene, qui appréciait l’orientalisme, et qui venait de le quitter ? Il est certain que Piot vécut cette histoire douloureusement, tant la peine et la passion qu’il avait données furent sans résultat. Les Berenson prirent la décision d’arrêter les travaux, et décidèrent de couvrir les fresques avec des toiles marouflées, bien que facilement détachables ; elles furent finalement découvertes en 1977.

Villa I Tatti

Aperçu de la fresque de la Villa I Tatti. Voir l’image originale

L’explication que Berenson donna à Piot était que la couleur était trop violente, et qu’il aurait souhaité quelque chose de plus pâle; il connaissait pourtant bien le travail de Piot, qui était un peintre de couleur depuis ses années chez les Nabis, et dont les fresques étaient marquées par une influence orientale certaine. Bien que cette histoire eut probablement impacté moralement Piot, tant l’ardeur qu’il avait déployé dans cette oeuvre s’avéra sans succès, il ne fut cependant pas déstabilisé dans sa passion pour l’art ancien et pour cette part d’orientalisme – celle qui avait séduit Berenson au départ.

“EXOTISME”

Comme de nombreux artistes au cours du XIXe siècle, René Piot fit de nombreux voyages. Afrique, Espagne, Suisse, Italie… Son premier contact avec l’Afrique fut l’Algérie, en 1906 ; il avait 40 ans. Il résidait à El Biar, près d’Alger49. Grâce à la photographie, il put capturer ce qu’il vit du pays. Il saisit les visages, les rues animées, les rassemblements lors de fêtes. Les personnes qu’il rencontrait prêtaient leur regard au sien, scrutateur. Ensuite, il utilisa ces clichés pour réaliser des peintures.

Cet engouement massif pour l’art oriental portait le nom d’“orientalisme” et marqua le XIXe siècle. Les voyages ayant été facilités, notamment grâce à certaines expéditions coloniales, de nombreux peintres furent incités à visiter ces contrées lointaines. Le mouvement, tant littéraire qu’artistique émergeait petit à petit en Europe occidentale à partir du XVIIIe siècle et tout le XIXe siècle. Ainsi, des écrivains comme par exemple Théophile Gautier (le roman de la momie), Victor Hugo (les orientales), Gérard de Nerval (Voyage en Orient), Gustave Flaubert (Le voyage en Egypte) s’étaient laissés séduire par ce courant qui cherchait à imaginer l’ailleurs comme un univers luxueux et merveilleux50. Cet idéalisme était né avec l’expansion du colonialisme et l’effondrement de l’Empire ottoman, et lors de la campagne de Napoléon Bonaparte en Egypte (1798-1801), plusieurs artistes avaient accompagné l’empereur. Les peintres étaient donc amenés à voyager, et découvrir cet ailleurs. “Il n’est pas d’orientalisme sans voyage, même s’il est – et c’est parfois le cas pour les peintres – vécu dans un fauteuil51 écrivait dans l’introduction de son ouvrage intitulé “Les Orientalistes” Christine Peltre, connue pour exercer en tant qu’historienne française de l’art contemporain ayant consacré de nombreuses études aux voyages et à l’orientalisme. En ajoutant : “Cet ailleurs enchanté reste un théâtre, un décor d’opéra, et plusieurs artistes dont c’était l’activité première semblent ne pas en avoir changé au retour du voyage, proposant un cadre spectaculaire avec sphinx et minarets.”, elle insistait sur le côté spectaculaire et théâtral donné par le regard de ces peintres.52 Au cours du XXe siècle, ces artistes furent parfois décrits comme des témoins de l’impérialisme ; il furent malgré tout des témoins de l’histoire.

Plusieurs étapes avaient marqué l’ascension de cette tendance. 1889 : Section dédiée à l’Exposition Universelle ; 1893 : Création du Salon des peintres orientalistes, association et institution artistique, sous la présidence de M. Léonce Benedite, conservateur du Musée du Luxembourg ; 1908 : Création de la Société coloniale des artistes français, faisant ainsi concurrence à la Société des peintres orientalistes français.

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Femme indienne, René Piot, voir en grand sur https://bit.ly/2XWyy9L

Piot était, comme son ancien maître Moreau, attiré par l’orientalisme, mais d’une manière différente. Alors que Piot retranscrivait ses visions de manière forte et colorée, Moreau privilégiait des ambiances intemporelles et oniriques, dans des lieux qui ne faisaient référence à aucun pays : Piot vivait son orientalisme, Moreau le rêvait. En 1910, René Piot rejoignit l’Egypte qui l’attirait depuis longtemps. Cela lui venait de Moreau, qui portait un grand intérêt pour ce pays ; il intégrait souvent des détails se rapportant à l’Egypte dans ses oeuvres, comme lorsqu’il peignit un oeil Oudjat53 qui ornait le bracelet de la « Salomé dansant devant Hérode » de 1876, ou “Moïse exposé sur le Nil”, de 1878. De plus en plus terre à terre, Piot se libéra de l’influence de Moreau pour représenter l’exotisme à sa manière54. Il avait toujours été captivé par « les sublimes égyptiens »55, mais surtout par cet art éternel qui continue à servir de modèle aux artistes, quatre mille ans plus tard. L’Orient lui permettait de s’ancrer dans le passé, comme la notion de pérennité était pour lui importante56. L’artiste égyptien, comme les fresquistes de la Renaissance, était anonyme et s’effaçait derrière la sacralité de l’oeuvre. La désillusion fut totale lorsqu’il découvrit que la ville du Caire qu’il avait tant idéalisé avait tant changé et cette ville moderne le déçu ; mais l’art ancien tint ses promesses57.

[La Tragédie de Salomé : six maquettes de costumes / par René Piot] 1919Bibliothèque nationale de France, département Bibliothèque-musée de l'opéra, D216-75 (1-6) Source : https://bit.ly/2TcTHsILa Tragédie de Salomé : six maquettes de costumes / par René Piot 1919,
Bibliothèque nationale de France, département Bibliothèque-musée de l’opéra, D216-75 (1-6) Source : https://bit.ly/2TcTHsI

Une oeuvre de Delacroix, que Piot admirait beaucoup, pouvait traduire l’intérêt porté par Delacroix à la danse et aux traditions orientales et s’ancre ainsi dans le contexte énoncé ci-dessus. Le 21 février 1832, Delacroix assista à un mariage juif au Maroc, à Tanger. Les croquis qu’il réalisa sur le vif donnèrent lieu à un tableau, dont le nom décrivait simplement son modèle : “Noces juives au Maroc”. Puis, dans son ouvrage intitulé “Études esthétiques”, Delacroix rédigea un récit complétant son oeuvre, notant l’attitude de la mariée et différents détails ; son discours trahissait quelque peu les préjugés de son époque. Alors, en parlant de la danse exécutée par les protagonistes, le peintre usait des mêmes termes, empreints d’une vision bien extérieure au pays qu’il découvre. À ses yeux, cette danse consistait “(…) en postures et en contorsions que l’on prend sans presque que les pieds changent de place”58, et selon ses dires, aurait été regardée dans les pays occidentaux comme “de très mauvais goût”59. Ces a-priori ne l’empêchaient pas de réaliser un tableau considéré comme loin des anecdotes exotiques, ce qui lui valut un refus de la part de son commanditaire, le Comte Maison60. Il s’agissait en effet là d’une expérience significative pour Delacroix, qui découvrait les traditions orientales, et fut sensible à la densité de couleurs et de mouvements, comme en témoigne la retranscription picturale réalisée des années après, non sans grandeur.

Eugène Delacroix - Noces juives au MarocMariage dans la tradition juive au Maroc (XIXe siècle) par Eugène Delacroix, Source,
dernière consultation le 8 mars 2019

Delacroix fut admiratif de cette dynamique tout à fait nouvelle pour lui. Cette fête, ces chants, ces danses, cette jeune mariée le fascinaient. Son texte décrivit toute la tradition religieuse transportant la jeune mariée d’une chambre isolée à la maison de son mari, et l’on comprend que Delacroix n’avait pas perdu une partie du spectacle. Il y analysait solennellement les divers mouvements qu’il observait, qu’il tâchait de reproduire plus tard sur la toile dans cette cour aux couleurs ocres. “A moitié posant sur ses pieds, à moitié soulevée par dessous les bras, elle avance, suivie et entourée de tous les assistants.” “Au devant d’elle marchent à reculons jusqu’à la demeure de son mari des jeunes gens portant des flambeaux. On retrouve ici, comme à chaque pas dans ce pays, les traditions antiques. »61 Cette scène, fascinante, traduisant le mouvement sur la toile malgré son silence, et dont ces lignes lui donnent vie, est d’une magnifique théâtralité. René Piot puisait son inspiration dans les oeuvres de Delacroix depuis sa rencontre avec Andrieu ; on retrouvait, plus tard, dans la carrière de Piot, une passion pour le théâtre et la danse.

IIIème ÉPISODE : « DE LA GRÂCE PLUS QUE DE LA BEAUTÉ »38

DU THÉÂTRE PICTURAL

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Théatre des Arts. le Chagrin dans le Palais de Han, drame chinois de L. Laloy, décors et costumes de René Piot, musique de G. Grovle : [affiche] Source consulté le 6 mars 2019

René Piot  se découvrit peu à peu une passion pour la décoration théâtrale et pour la danse lorsqu’il rencontra Jacques Rouché. Ce dernier était connu pour être un mécène français au XIXe siècle, patron des parfums L.T. Piver — l’une des plus anciennes maisons de parfums française — et directeur de La Grande Revue. À partir de 1910, il avait loué le théâtre des Arts — aujourd’hui Théâtre Hébertot (Paris 17e) — bien qu’ayant peu d’expérience dans le domaine théâtral. Afin de créer les décors des oeuvres présentées, il fit appel à une trentaine de peintres français, dont Maxime Dethomas, Jacques Dresa, ainsi que René Piot62 : aucun d’entre eux n’avait préalablement travaillé pour la scène théâtrale. Néanmoins, Piot était déjà connu pour ses fresques et son orientation moderniste. Après trois années au Théâtre des Arts, Rouché fut nommé, en 1914, à la tête de l’Académie Nationale de Musique et de Danse — mieux connue aujourd’hui sous le nom de Opéra de Paris — et conserva ce rôle jusqu’en 1944. Il continua de travailler avec Piot qui, en trois décors, Le Chagrin dans le palais de Han, Idoménée et La Péri, fit définitivement ses preuves en tant que décorateur, tant pour des mises en scènes orientales que pour des représentations sobres de l’Antiquité63.

[La Tragédie de Salomé : six maquettes de costumes / par René Piot] 1919Bibliothèque nationale de France, département Bibliothèque-musée de l'opéra, D216-75 (1-6) Source : https://bit.ly/2TcTHsI[La Tragédie de Salomé : six maquettes de costumes / par René Piot] 1919
Bibliothèque nationale de France, département Bibliothèque-musée de l’opéra,
D216-75 (1-6) Source : https://bit.ly/2TcTHsI

Pourtant, René Piot mis du temps à se décider avant de s’engager avec Rouché. En l’atelier de Moreau, il avait appris la peinture, un art muet, qui devait être un art de la suggestion, de l’évocation64. De plus, il considérait que Rouché devait s’adresser à la jeune génération, les artistes mûrs ayant déjà fait leurs preuves n’étant plus enclins à créer des choses nouvelles. Il lui avait d’ailleurs écrit : « Je crains que vous ne vous trompiez en vous adressant à notre génération. (…) Nous sommes trop faits et trop préoccupés de notre art particulier. (…) C’est à des jeunes gens de 25 ans qu’il faut vous adresser. Vous trouverez là des hommes qui n’ont pas encore trouvé leur voie et que toutes les tentatives excitent.« 65 Il avait également expliqué la raison des ses doutes à l’un de ses correspondants réguliers, Jacques Doucet, alors connu pour son rôle de grand couturier, mécène et collectionneur : « J’ai longtemps résisté à Rouché pour lui faire du théâtre car je lui ai toujours soutenu que nos arts plastiques étaient les arts du silence et de l’immobilité« . Dans cette même lettre, il ajouta que c’était un : « problème presque insoluble de transmuer un art de l’espace en un art du temps.« 66 Malgré ces appréhensions, le 8 juin 1911, René Piot signait avec Jacques Rouché un premier contrat pour deux pièces, dont il réalisa et supervisa l’exécution des décors et des costumes67. Une longue et fructueuse collaboration débutait ainsi entre René Piot et Jacques Rouché.

Costume for Le Chagrin dans le palais de han by René PiotCostume pour Le Chagrin dans le palais de han par René Piot
Year: 1912 (1910s) Authors: Carter, HuntlySource

Le travail de René Piot débuta donc au “Théâtre des Arts” en tant décorateur et créateur de costumes. Jacques Rouché avait réformé la fonction de décorateur ; son oeil moderniste l’avait permis de faire renaître les pièces sous un nouveau jour, notamment avec un écrit aux airs de manifeste : son programme.

D’abord, les représentations devaient présenter des oeuvres empruntées aux différentes périodes de l’histoire ; soit des pièces anciennes « glorieuses en leur temps, (qui) revoient ici le jour pour la première fois« 68, soit des pièces modernes, avec pour modèle le théâtre grec. L’orient qui touchait Piot servait également de modèle : “Les lointains, les paysages, les foules même, apparaîtront tantôt comme dans une frise en ronde bosse, tantôt comme sur les tapis d’Orient, les vases grecs, les miniatures persanes ou les estampes japonaises.« 69

Le décor ne devait pas être pensé comme un tableau monumental destiné à être exposé : il devait avoir une place à part entière, tandis que le texte devait devenir presque secondaire70. Le décorateur avait pour rôle d’accompagner l’action de la scène et y créer une atmosphère71. Une harmonie devait naître de l’ensemble du spectacle, pour mettre en valeur les mouvements des acteurs grâce au décor. Piot dût donc porter une grande attention à l’ensemble pictural de la pièce de théâtre : les couleurs, les mouvements des danseuses, leur implication dans l’espace de la scène. Il fonda son travail sur la théorie des correspondances énoncée par Baudelaire : les sons et les couleurs devaient se répondre, pour former une harmonie satisfaisant tous les sens72. Piot créait des tableaux vivants, unissant la danse, le mouvement et la couleur. Il n’était pas le seul à concevoir son rôle de cette manière ; en 1921, Guillaume Janneau écrivait dans la revue « La renaissance de l’art français et des industries de luxe », parlant des pièces des ballets russes et de Rouché dans le même article :  » Il n’est plus un peintre scénique inspiré de l’esprit moderne qui sépare le costume des toiles de fond. » Maxime Desthomas le disait aussi : « Le décor accompagne respectueusement le personnage et le complète.« 73  Jacques Dresa ajoutait « Il est bien entendu qu’on entend par décoration le décor, le costume et les accessoires qui n’auraient aucune harmonie s’ils n’étaient imaginés par le même artiste !« 74

Un jardin sur l'Oronte - décor de René Piot

Un décor de René Piot : on voit au milieu de la scène Mlle Suzanne Balguerie dans le rôle d’Oriante. Auteur G.-L. Manuel frères, 1932-11-05, Source

Fort de son observation, Piot finit par beaucoup apprécier la danse et développa un oeil critique vis-à-vis de la ligne qu’elle inscrivait sur son décor. Il avait déjà une grande culture musicale et se découvrit un sens inné du théâtre ; progressivement, ces qualités lui permirent d’intervenir dans la mise en scène et dans la chorégraphie en tant que décorateur75. Un jour, il avait dit avec enthousiasme à Rouché qu’il travaillait plus en une heure de répétition qu’en dix heures de modèle immobile. Il ajoutait « Vous me blaguez en disant que j’adore la danse. C’est vrai : ma passion de la forme trouve son aliment dans les admirables déplacements de la ligne (…) ».  Il ajoutait : « Et j’ai beau ne pas m’y connaître, je saurais mieux qu’un danseur de profession découvrir à l’examen les danseurs et danseuses qui sont doués pour le rythme.« 76

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Cependant, Piot trouvait les préparations des pièces difficiles ; les danseurs pouvaient faire preuve d’incompréhension et de manque de sensibilité et étaient parfois loin des attentes du décorateur. Il avaient parfois des difficultés pour comprendre et exécuter les mouvements que Piot souhaitait voir. Alors, ce dernier s’emportait souvent dans sa correspondance avec Rouché, en les traitant de « veaux« 77. René Piot rêvait d’égaler au moins l’art des décorateurs des Ballets Russes, par un style différent, et regrettait d’avoir si peu de publicité entourant ses réalisations. Les Ballets Russes l’avaient fasciné et ne tardaient pas de devenir un peu plus tard pour lui un modèle de création. Il s’adressait à Rouché en évoquant le chef d’oeuvre : « Hier une chose, aux Russes, m’a ému jusqu’aux larmes, c’est la musicalité du geste chez Karsavina dans Narcisse. » Piot ajoutait : « Moi qui ai la passion de l’antique pour la 1ere fois je vois enfin réalisée l’harmonie du mouvement. Et c’est le passage des attitudes qui est merveilleux de suite dans le mouvement. C’est sublime. Pauvre Duncan !78 Qu’en reste-t-il après cela.« 79

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[La Tragédie de Salomé : six maquettes de costumes / par René Piot] 1919Bibliothèque nationale de France, département Bibliothèque-musée de l’opéra, D216-75 (1-6) Source : https://bit.ly/2TcTHsI

Afin de perfectionner son travail, Piot finit par rencontrer le décorateur de la troupe de Diaghilev, Léon Bakst dont il appréciait les mises en scènes. Les « éléments sublimes de danse » qui surpassaient de loin les danseurs du Théâtre des Arts, l’enthousiasmaient. À cette occasion, il lui demanda des adresses pour trouver de bons danseurs, et se fit recommander une école de Milan qu’il transmit dans la foulée à Rouché80. Il s’inspira également des techniques de Bakst pour améliorer sa propre oeuvre, tant il était fasciné par cette somptueuse réussite, qu’il s’empressa de détailler à Rouché. Ainsi, dix minutes avant le lever de rideau, chaque danseuse, avant de prendre sa place en coulisses, s’arrêtait devant Bakst, qui vérifiait les costumes et les rectifiait. « Pas un mot, pas un cri, et les 50 danseuses étaient inspectées en dix minutes« 81. Piot pris la méthode au pied de la lettre, et passa des heures à détailler avec un oeil de peintre, tel Degas, les danseuses en mouvement82. Il les guidait vers le rythme qu’il voulait, qui s’associait le mieux avec la musique, et leur montrait le pouvoir de la ligne, comme le trait d’un dessin qui court sur une toile83.

Par ailleurs, les couleurs avaient toute leur importance. Elles permettaient de mieux accompagner les danses, comme dans un tableau. Le théâtre permettait à Piot de réaliser d’immenses fresques vivantes. Dans une lettre destinée à Jacques Rouché, à propos de la pièce Messidor, sa palette se composait pour un tableau mouvant. « ) lever de rideau, orange sourd qui devient cadmium bouton d’or à la naissance de l’or. ) rouge vermillon pour la danse des Reines. ) ton de pêche composée de cadmium vermillon et citron pour la danse des Amants. ) bleu outremer pour le combat. ) vert pomme pour la pantomime de l’or. ) retour à l’orangé du premier pour l’apothéose finale.« 84 La reine, incarnée par l’étoile Carlotta Zambelli, accepta de porter le costume audacieux que Piot avait imaginé. Il s’était efforcé d’embellir la pièce par des décors modernes et des costumes étudiés, mais elle fut violemment critiquée. Assuré de ses compétences, Piot s’en moqua : « Certains abonnés leur ont dit (aux danseuses) que j’avais profané le Temple de la Danse et que j’avais fait du Café Concert !!!« 85

Néanmoins, en 1911, les efforts de Piot furent enfin applaudis ; Louis Vauxcelles, l’un des critiques d’art français les plus influents du début du XXᵉ siècle — ce fut lui qui donna leur nom aux groupes des « fauves » et des « cubistes » grâce à ses articles — remarquait enfin le travail de Piot et y vit l’influence certaine de Léon Bakst : son souhait d’égaler les Ballets Russes fut presque exaucé. « Le somptueux peintre Piot, aidé du maître joaillier Rivaud, lui a prêté la richesse de ses ors, de ses coraux et de ses pourpres. L’oeuvre rivalise avec celles de M. Gordon Craig et fait penser aux splendeurs moscovites de Bakst. »86 La qualité artistique des productions du Théâtre des Arts, ainsi que l’inventivité de la programmation, le goût et les jeunes artistes talentueux engagés suscita de nombreux éloges.

AU PAS DE LA DANSE CAMBODGIENNE

La passion de René Piot pour la danse fut à son comble lorsqu’il découvrit, de loin, le Cambodge. Il n’accomplit jamais le voyage ; mais il ne manqua aucune des manifestations qui eurent lieu à l’exposition coloniale de Marseille de 1922. Alors, il ne se contentait pas de faire des croquis des danseuses au milieu de la foule : il fut même introduit dans leur troupe.

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Ce ne fut pas seulement les danses qu’il découvrait, mais aussi les mystères de leur vie et ses duretés. Dès l’âge de quatre ou cinq ans, les fillettes choisies pour la troupe royale apprenaient à danser ; et à vingt-cinq ans, leur carrière de danseuse était finie. Les danses cambodgiennes étaient régies par des codes ancestraux et symboliques, et les jeunes filles reproduisaient des gestes gravés sur les bas-reliefs des temples Khmers. Piot ne pouvait que les intégrer dans ses oeuvres sacrées. Même en ayant perdu leur aspect religieux au fil des âges, les danses avaient gardé leur vivacité et les règles de ces danses provenant du passé. Les lignes crées par les mouvements pleins de sens de ces jeunes danseuses le fascinaient. Au critique André Warnod, — critique connu pour avoir lancé l’appellation de « l’École de Paris » dans un article pour Comoedia87 — il avait expliqué : « (…) petit à petit, j’appris à les connaître et à les comprendre. Leurs danses. La danse, pour elles, est un moyen d’expression, comme la poésie ou la musique. Lorsqu’on est initié on en pénètre toute la beauté, une beauté qui ne lasse jamais. » Il avait ajouté : « Les danses cambodgiennes, après avoir été un hymne religieux, n’en sont plus que la tradition aristocratique : même au Cambodge, sont finis les temps de la « Danse devant l’Arche »88. Danse, première prière de l’humanité ! Car, avant tous les arts, l’homme, en contemplation de son Dieu, fit de son corps l’offrande rythmique des lignes. (…) Au Cambodge, (…) la tradition du geste est fixée avec une précision telle qu’un initié, sans entendre la mélopée, peut suivre la légende dans ses moindres détails narratifs ; (…)« 89

Les observations de Piot n’avaient pas été sans complexité, même s’il était admiratif devant ces spectacles. Il est intéressant de lire ses ressentis qu’il put décrire : « Mais quels capricieux petits modèles ! Surtout les premières danseuses. Il fallait attendre qu’elles fussent bien disposées. J’ai même pu-et j’en suis très fier-assister à une répétition de travail, c’est tout à fait curieux. Au lieu des grands costumes d’apparat dans lesquels elles sont cousues et qui exigent une toilette de plus d’une heure, elles étaient alors strictement enveloppées dans une petite étoffe de soie qui permettait de mieux suivre le jeu de leurs muscles.« 90 Elles dansaient avec des éventails, vêtues de pantalons de soie et de boléros. René Piot cherchait également à reproduire ce qu’il y avait derrière leur visage, leur fonction, les douleurs ou les rêves qui se cachaient derrière leurs regards lisses. Il prit plusieurs photographies de ces répétitions, et d’après celles-ci, il réalisa des dessins ou de grands portraits91. Fasciné par la danse, de quelque origine qu’elle soit, orientale ou européenne, René Piot s’attachait à détailler le jeu des lignes extérieures du corps. Son sens de l’harmonie des rythmes l’aidait à juger de l’art d’une danseuse, à l’égal d’un maître de ballet ou d’un chorégraphe.

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En octobre 1922, René Piot rentra à Paris et rassembla certaines de ses oeuvres pour une exposition sur le thème des danseuses cambodgiennes à la galerie Druet92, qui eut lieu du 28 mai au 8 juin 1923. Il avait réalisé des oeuvres qui s’étaient révélé être des condensés de ses apprentissages techniques, de son amour du passé, de sa passion du mouvement, d’une certaine influence orientaliste et de son goût pour le sacré. Ce fut une synthèse de ses centaines de dessins, notations, cartons. Son exposition fut un succès93. Son orientalisme était souligné par les journalistes. On pouvait lire des commentaires comme : « Chez Piot s’unissent et se confondent le goût de l’exotique et du légendaire.« 94 Louis Gillet, connu pour être historien, historien d’Art et élu en 1935 à l’Académie Française, avait flatté l’influence certaine de l’orientalisme sur Piot, et ses lignes témoignaient du condensé des influences que Piot avait cherché à retraduire tout au long de sa carrière d’artiste : « Elles nous arrivent, ces danseuses, de l’extrême lointain de l’Orient, du fond de ces presque’îles de légende où survivent les vieux rêves brahmaniques de l’Inde et où se meurent les ruines d’Angkor. Il y a plus de quinze ans déjà, elles étaient déjà dans notre triste monde occidental avec leurs habits de songe et leurs gestes millénaires (…). M. René Piot est un des rares artistes de ce temps qui pouvaient comprendre et traduire de tels poèmes plastiques. (…) L’artiste (…) n’a pas reculé devant les fonds d’or des primitifs, devant les ornements, les perles, les bijoux exécutés en ronde-bosse : il s’est fait orfèvre, joaillier, pour ouvrer son tableau de broderies et de damasquineras. Ses panneaux, peints sur bois, tiendraient à côté des retables de Duccio ou de Vivarini. Et sur cette auréole de métal, la couleur a toute l’opulence et tous les chatoiements, toutes les irisations de la palette des grands virtuoses : elle rappelle certains Véronèse de la Villa Borghèse ou le splendide Rubens du musée de Cassel. Il n’est pas douteux qu’un tel ouvrage fera événement.« 95

DE LA PASSION

Durant toute sa vie, Piot avait eut plusieurs domaines de prédilection. Fasciné par le mouvement, la ligne avait pour lui une grande importance ; c’était elle qui devait révéler toute la dynamique de l’action observée. Profondément attaché au passé, il se révéla malgré tout être un acteur de modernité, en faisant partie de groupes comme les fauvistes ou les Nabis. Il participa également à la modernisation du théâtre en usant de ses talents de fresquiste pour Jacques Rouché. Finalement, il fut un artiste au bagage particulier, aimant user des techniques anciennes, dans des oeuvres influencées par l’orientalisme, aussi bien dans des fresques que dans des décors de théâtre et costumes. À travers la recherche du sacré, la glorification du passé et la quête de la modernité, il développa son propre style ; il vivait pleinement son art, pour son propre bonheur avant de le vivre pour les autres.

L’art qu’il avait développé était ambiguë, partagé entre son amour pour le passé et la fascination des techniques utilisées par les maîtres anciens qu’il copiait, et son désir de modernité, qu’il comblait en s’impliquant dans les débats d’avant-garde. Attaché à son travail, il consacra sa vie entière à la peinture. La recherche de consécration et de reconnaissance fut traduite par sa demande de la Légion d’Honneur, qu’il obtenu grâce à l’appui de Rouché, flattant ainsi ses efforts acharnés pour offrir au monde ses talents ; il ne s’agirait pas là de vanité, mais plutôt d’un besoin de reconnaissance légitime, dont il avait déjà put faire preuve auprès de Berenson, lorsqu’il lui avait envoyé des centaines de croquis. « (…) il semble que l’attribution de la Croix d’Officier de la Légion d’Honneur serait considéré comme un acte de parfaite justice auquel les artistes de notre temps ne pourraient qu’applaudir »(p.12)96. Sa mort fut le plus grand témoin de cette passion ; voyant que son aptitude pour la peinture disparaissait peu à peu sous ses pinceaux, il ne le supporta pas et cela le rendit fou. Il avait confié à son gendre Albert-François Ponçet qu’il ne parvenait plus à peindre : « Avant-hier j’ai essayé d’acheter une toile et des fleurs pour essayer de peindre, mais dès le lendemain j’ai été pris d’un tel découragement et d’une angoisse telle devant cette pauvre petite toile blanche et ces quelques fleurs que j’ai renoncé.« 97 En avril 1934, René Piot se suicidait à l’âge de 68 ans, après plusieurs phases de dépression.

« Il faudrait pour les artistes et les poètes des demeures au dessus des nuages où, dans leurs crises de folie, ils viendraient tout oublier et se perdre dans la pureté qui planerait sur eux. Là, on n’entendrait pas un seul bruit du monde, on ne verrait pas une seule fumée partir d’en bas » (PIOT, Blanche-Marie)

 

Agathe de Kermenguy, le 4 mars 2019

Ressources supplémentaires :
-« C’est que René Piot n’expose nulle part, travaille sans bruit, opiniâtrement » L’Intransigeant 8 June 1919
Comoedia illustré : décors d’après les maquettes de René Piot, 1921
Comoedia illustré : décors d’après les maquettes de René Piot, 1921
– « Les palettes de Delacroix » Comœdia 24 July 1930
– « Une décoration de René Piot exécutée à la « tempera », Comœdia 11 January 1934
– « Mort du peintre René Piot », Le Figaro, 26 avril 1934 
« La rétrospective René Piot », Comœdia 31 October 1935

– Galerie d’images de la banque photographique RMN


1 http://arts-graphiques.louvre.fr/resultats/oeuvres

2 Selon les sources, il a été découvert trois dates de naissance différentes de René Piot : 1866, 1868 et 1869. Dans cet article, nous nous tiendrons en la date du 14 janvier 1866, comme il est indiqué dans son dossier pour la médaille de la Légion d’Honneur comportant ses extraits d’acte d’état civil.

3 Nathalie Loyer, « une vision de l’art décoratif, 1866-1934 », Sous la direction de Éric Darragon, Soutenue en 2002 à Paris 1, p.9

4 Ibid, p.13

5BESSIS, Henriette, “Pierre Andrieu”, Médecin de France, mai 1971.

6Ibid

7PIOT, René, Les Palettes de Delacroix, Paris, Librairie de France, 1931, p.87

8PIOT, René, Les Palettes de Delacroix, Paris, Librairie de France, 1931, p.1

9Il fut demandé à Delacroix de réaliser la fresque centrale de la galerie d’Apollon, pièce majestueuse conçue par Lebrun au Palais du Louvre (aujourd’hui pièce 705).

10PIOT, René, Les Palettes de Delacroix, Paris, Librairie de France, 1931, p.64

11 Ibid, p.1

12https://www.louvre.fr/oeuvre-notices/palette-ayant-appartenu-eugene-delacroix

13(DENIS, Maurice, Journal, Paris, La Colombe, 1957-1959.) Nathalie Loyer, p.13-14

14PIOT, René, Les palettes de Delacroix p.35

15LARUE, Anne, “Delacroix et ses élèves, d’après un manuscrit inédit”https://www.persee.fr/doc/roman_0048-8593_1996_num_26_93_3122, dernière consultation le 5/03/19

15bisÀ partir de 1842, Delacroix tombe gravement malade, ce qui le mènera à la mort en 1863. (Réf. http://www.jean-charles-hachet.com/DELACROIX-Eugene-1798-1863.html) Les grands travaux qu’il fit furent sans doute difficiles mais il les mena de front, avec la grande assistance de Lassale Bordes dans un premier temps. Cependant, lorsque Lassale-Bordes lui fit ces reproches qui sont énoncés succinctement dans cet article, Delacroix pris la décision de demander assistance à Andrieu pour réaliser sa dernière grande oeuvre, à l’Église Saint-Sulpice à Paris, et d’éloigner son ancien élève qui l’avait laissé seul pour cause de maladie, en témoigne cette lettre datée de 1850 retranscrite et modernisée : http://www.correspondance-delacroix.fr/correspondances/bdd/correspondance/254

16Ibid, P.18

17Ibid, P.18

18Ibid, P.18

19René Piot fut l’un des premiers et plus fidèle élève de Gustave Moreau, à partir de 1891 : https://www.larousse.fr/encyclopedie/peinture/Piot/153871

19bDENIS, Maurice. Introduction du catalogue d’exposition « Gauguin et ses amis – l’École de Pont-Aven et l’Académie Julian, Février-mars 1934 ». Centre de Documentation du Musée Maurice Denis, Saint-Germain-en-Laye

20Nathalie Loyer p.40

21Nathalie Loyer, p.12

22PIOT, René, lettre à son frère Stéphane, non datée, Archives privées, issue de la thèse de Nathalie Loyer

23(GIDE, André, préface à l’exposition Simon Bussy, Correspondance André Gide – Dorothy Bussy, Paris, Gallimard, 1981, T.II.)

24MATISSE, Henri, Ecrits et Propos sur l’art, Paris, Hermann, 1992, p.81, issue de la thèse de Nathalie Loyer

25Journal: Regards sur l’art et les artistes contemporains, 1889–1937 De Comte Harry Kessler https://books.google.fr/books?id=eqM6DwAAQBAJ&pg=PA1963&lpg=PA1963&dq=rené+piot+fresquiste+et+décorateur&source=bl&ots=Gv4Uy7NUgj&sig=zTYjEk_ZajHsj1pjcOjUypTCHuM&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjamITu5e7bAhWJvhQKHXfYCZg4ChDoAQgxMAM#v=snippet&q=gustave%20moreau&f=false p.140

26 Article « Le Fauvisme » du 8 juin 2010, Site du Grand Palais, consulté le 6 mars 2019 : https://www.grandpalais.fr/fr/article/le-fauvisme

27Cette définition du terme « primitivisme » provient de l’article « L’art Primitif » issu du site « Gauguin et le primitivisme » https://gauguinprimitivisme.wordpress.com/lart-primitif/

28Selon les sources consultées, Piot rencontrait Sérusier en 1890, et il est dit souvent qu’il passait à l’Académie Julian avant d’entrer chez Andrieu. Or, Piot entrait chez Andrieu dès 1886. Cette petite incohérence a rendu difficile la datation précise du passage de Piot à l’Académie Julian. De plus, Maurice Denis (dans « Introduction du catalogue d’exposition « Gauguin et ses amis – l’École de Pont-Aven et l’Académie Julian, Février-mars 1934 ».cf note 19b) note que Piot était sorti du contexte académique avant d’entrer chez Moreau. Il semblerait donc qu’il fut de passage à l’Académie Julian entre l’atelier d’Andrieu et de Moreau, dans lequel il entrait en 1891. Par ailleurs, il semblerait que l’enseignement de cette Académie le déçut, qu’il trouva médiocre. (Nathalie Loyer, p.74).

29Piot, R., «À propos des cubistes», Bulletin du Salon d’Automne, 5, 1917, s.p.

30 Article « Nabi (peinture) » wikipedia, consulté le 6 mars 2019 https://fr.wikipedia.org/wiki/Nabi_(peinture)

31 Nathalie Loyer p.77

32 Les Primitifs français furent célébrés au Pavillon de Marsan et à la Bibliothèque Nationale, du 12 avril au 14 juillet 1904. L’exposition rendait hommage au XIIIe et XIVe siècles et comportait plus de trois cent peintures et sculptures, et plus de deux cent manuscrits enluminés. À cette occasion, Gauguin avait écrit : « Ayez toujours devant vous les Persans, les Cambodgiens et un peu l’Egyptien. La grosse erreur, c’est le grec, si beau qu’il soit. »# Même s’il souhaitait se débarrasser du symbolisme, Gauguin puisait aux mêmes sources que Gustave Moreau, exceptés les grecs, qu’il jugeait trop parfaits.

33 Nathalie Loyer, p.72

34 Nathalie Loyer, p.69

35 PIOT, René, lettre à Paul Poujaud, 1906, Archives Privées. (issue de la thèse de Nathalie Loyer)

36 FURETIERES, « Salon d’Automne, Le Soleil, 14 oct. 1908 (issue de la thèse de Nathalie Loyer)

37 DENIS, Maurice, Le ciel et l’Arcadie, Paris, Hermann, 1993. (issue de la thèse de Nathalie Loyer)

38 Les primitifs français, Pavillon de Marsan, catalogue d’exposition, 12 avril, 14 juillet 1904, p. XV https://ia902702.us.archive.org/18/items/expositiondespri00expouoft/expositiondespri00expouoft.pdf dernière consultation le 6 mars 2019

39 Nathalie Loyer, p.118

40 Nathalie Loyer, p.148

41 Nathalie Loyer, p.105

42 Correspondance André Gide-Paul Valéry 1890-1942, Gallimard, 1955, p.416. (Nathalie Loyer, p.183)

43 KESSLER, Comte Harry, Journal: Regards sur l’art et les artistes contemporains, 1889–1937, p.140 extraits consultables sur https://books.google.fr/books?id=eqM6DwAAQBAJ&pg=PA1963&lpg=PA1963&dq=rené+piot+fresquiste+et+décorateur&source=bl&ots=Gv4Uy7NUgj&sig=zTYjEk_ZajHsj1pjcOjUypTCHuM&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjamITu5e7bAhWJvhQKHXfYCZg4ChDoAQgxMAM#v=onepage&q&f=false (consulté le 5 octobre 2018) Consulté le 6 mars 2019

44 Un panneau a été perdu avec une inondation, stocké  dans les magasins souterrains des arts décoratifs, le deuxième a été récupéré et est au Musée Maurice Denis à Saint-Germain-en-Laye.

45 DAGEN, Philippe, « Un fresquiste en 1908, René Piot au Musée d’Orsay », Le Monde, Dimanche 10-Lundi 11 mars 1991, Consulté aux fonds du départemental Maurice Denis, Saint-Germain-en-Laye.

46PUVIS DE CHAVANNE Pierre, Encyclopédie Universalis.fr, https://www.universalis.fr/encyclopedie/pierre-puvis-de-chavannes/, consulté le 6/03/2019

47DAGEN, Philippe, « Un fresquiste en 1908, René Piot au Musée d’Orsay », Le Monde, Dimanche 10-Lundi 11 mars 1991, Consulté aux fonds du départemental Maurice Denis, Saint-Germain-en-Laye.

48 Selon Claudio Pizzorusso, historien de l’art, dans une conférence tenue à l’université de Caen le 18 octobre 2018 (lien vers les détails de la conférence « Paris et Florence : artistes en regard » : http://www.unicaen.fr/recherche/mrsh/forge/5611), le groupe de nymphes avait probablement frappé Berenson, car il l’avait immédiatement mis en rapport ce détail avec une oeuvre qui lui était très familière de la renaissance florentine : les fresques avec les danseurs de Poiaolo qui se trouvent dans la villa de la Gallina, colline au dessus de Florence (observatoire de Gallilée). Berenson a un intérêt particulier car elle a été découverte par sa femme, et elle avait publié en 1896 cette fresque dans un magazine. Berenson la connaissait donc parfaitement. Il resta frappé par ce rapport évident. Enregistrement de la conférence : http://www.unicaen.fr/recherche/mrsh/sites/default/files/forge/audio/laRenaissance.mp3

49 Nathalie Loyer, p.97

50 http://www.histoiredelart.net/courants/l-orientalisme-17.html « L’orientalisme », Histoire de l’art.net, dernière consultation le 6 mars 2019

51 PELTRE, Christine, Les Orientalistes, p.14

52 Ibid, p.9

53 Dans l’imagerie de l’Egypte antique, l’Oeil Oudjat est un symbole protecteur représentant l’oeil du dieu faucon Horus. Wikipédia (consulté le 16 novembre 2018) « Oudjat » signifie « œil intact, complet ». D’après la mythologie égyptienne, Horus, fils d’Isis et d’Osiris, combattit son oncle Seth pour venger l’assassinat de son père. Durant ce combat, Seth lui arracha un œil et le découpa en morceaux qu’il jeta dans le Nil. L’œil sera ensuite reconstitué et rendu à son propriétaire. Il devient ainsi le symbole de la victoire du bien sur le mal mais aussi de fécondité, d’intégrité physique et de bonne santé. musees-occitanie.fr (consulté le 16 novembre 2018)

54 Nathalie Loyer P.48

55 PIOT, René, réponse à l’enquête sur les arts plastiques de Charles Morice, Mercure de France, 1905 (issu de la thèse de Nathalie Loyer)

56 Nathalie Loyer P.113

57 Nathalie Loyer P.102

58 DELACROIX, Eugène, Études esthétiques (1829-1863), version numérique produite par M. Daniel Banda, bénévole, Professeur de philosophie en Seine-Saint-Denis et chargé de cours d’esthétique à Paris-I Sorbonne et Paris-X Nanterre, p.81 (En libre accès à l’adresse http://classiques.uqac.ca/classiques/delacroix_eugene/etudes_esthetiques/etudes_esthetiques.html, dernière consultation le 06/03/2019)

59 Ibidem

60 MERLE DU BOURG, Alexis, Noces Juives au Maroc, L’histoire par l’image, publié en avril 2012, https://www.histoire-image.org/fr/etudes/noces-juives-maroc dernière consultation le 5 octobre 2018

61 DELACROIX, Eugène, Études esthétiques (1829-1863), version numérique produite par M. Daniel Banda, bénévole, Professeur de philosophie en Seine-Saint-Denis et chargé de cours d’esthétique à Paris-I Sorbonne et Paris-X Nanterre, p.82

62 Encyclopédie Wikipedia, article sur Jacques Rouché https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Rouché#Le_théâtre_des_Arts

63 Nathalie Loyer, p.305

64 Nathalie Loyer, p.220

65 PIOT, René, lettre à Jacques Rouché, n°10, pièce 19, Fonds Rouché, Paris, Bibliothèque Nationale de l’Opéra (Issu de la thèse de Nathalie Loyer)

66 PIOT, René, lettre à Jacques Doucet, n°17, Paris, Bilbiothèque d’Art et d’Archéologie, M.S. 81 765-81 818. (Issu de la thèse de Nathalie Loyer)

67 Nathalie Loyer, p.269

68 Programme du Théâtre des Arts, Fonds Rouché, R5 (3), Paris, Bibliothèque Nationale de l’Opéra.

69 ROUCHE, Jacques, L’Art Théâtral Moderne, Paris, 1910, p.6 (issu de la thèse de Nathalie Loyer)

70 Nathalie Loyer, p.281

71 Nathalie Loyer, p.273

72 Voir le texte suivant : HANNOOSH, Michèle, Peinture et correspondances dans l’oeuvre de Baudelaire, p.210, https://www.persee.fr/doc/caief_0571-5865_2010_num_62_1_2605, dernière consultation le 6 mars 2019 et Nathalie Loyer, p. 355

73 FIERENS, Paul, « La Renaissance de l’art français et des industries de luxe » dernière consultation sur Gallica Bnf en ligne le 6 mars 2019 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61548922/f680.image.r=messidor%20rené%20piot?rk=21459;2

74 Ibidem

75 GARAFOLA, Lynn, « Interlude oublié : la danse rythmique à l’Opéra de Paris », Recherches en danse [En ligne], 3 | 2015, mis en ligne le 19 janvier 2015, consulté le 07 mars 2019. URL : http://journals.openedition.org/danse/995 ; DOI : 10.4000/danse.995

76 PIOT, René, lettre à Jacques Rouché, n°88, Paris, Bibliothèque Nationale de l’Opéra. Issue de la Thèse de Nathalie Loyer

77 Nathalie Loyer, p.282

78 Isadora Duncan, (1877-1927) fut une danseuse américaine qui révolutionna la pratique de la danse par un retour au modèle des figures antiques grecques. Elle fut également connue pour avoir rejeté les pas de ballet traditionnel pour mettre en valeur l’improvisation, l’émotion et la forme humaine. Elle fut une figure influente pour de nombreuses danseuses, mais aussi artistes, sculpteurs, poètes, écrivains… wikipedia.org

79 PIOT, René, lettre à Jacques Rouché, n°25, pièce 19, Fonds Rouché, Paris, Bibliothèque Nationale de l’Opéra. Issu de la thèse de Nathalie Loyer

80 Nathalie Loyer, p.282

81 PIOT, René, lettre à Jacques Rouché, n°12, pièce 19, Fonds Rouché, Paris, Bibliothèque Nationale de l’Opéra. Issu de la thèse de Nathalie Loyer

82 Nathalie Loyer, p.285

83 Nathalie Loyer, p.300

84 PIOT, René, lettre à Jacques Rouché, n°59, Paris, Bibliothèque Nationale de l’Opéra. Issu de la thèse de Nathalie Loyer

85 PIOT, René, lettre à Paul Poujaud, 24 nov.1917, Archives privées. Issu de la thèse de Nathalie Loyer

86 VAUXCELLES, Louis, « Le Salon d’Automne », Aéro, 1er oct. 1911, Issu de la thèse de Nathalie Loyer, p.284

87 WARNOD, André, « L’École de Paris », 27 janvier 1925, Comoedia, consultable sur retronews, dernière consultation le 7 mars 2019, www.retronews.fr

88 La “Danse devant l’Arche” dont parle André Warnod fait référence à un texte de la Bible, dans les livres de Samuel. Dans ce texte, le Roi David s’était laissé aller dans une danse d’exultation sur la musique devant l’Arche, un coffre d’acacia recouvert d’or, qui représentait la présence de Dieu.

89Cité par André WARNOD, « René Piot et les danseuses cambodgiennes », Comoedia, 17 avril 1923). récupéré par Nathalie Loyer, p.104 consultable sur retronews www.retronews.fr

90 Ibidem

91Nathalie Loyer, p.105

92 M. Servot, V. Goarin et C. Scheck, Musée du Louvre, Cabinet des dessins – Inventaire Général des dessins français, Lettre P, Paris, 1997, R.M.N., n° 1550, p. 382. Issu de la thèse de Nathalie Loyer

93 Nathalie Loyer, p.109

94 TRAPENARD, Jacques, « Exposition René Piot », 7 juin 1923. Issu de la thèse de Nathalie Loyer

95 GILLET, Louis, Le Gaulois. Issu de la thèse de Nathalie Loyer

96 PDossier de demande et d’obtention de la croix d’Officier de la Légion d’Honneur, Archives Nationales, Base de données LEONORE, dernière consultation le 7 mars 2019 www2.culture.gouv.fr

97 PIOT, René, lettre à Albert-François Poncet, non datée, Bastide des Cyprès, route de Bereguières, Le Cannet, Archives Privées, Nathalie Loyer, p.12


Ressources supplémentaires :
-« C’est que René Piot n’expose nulle part, travaille sans bruit, opiniâtrement » L’Intransigeant 8 June 1919
Comoedia illustré : décors d’après les maquettes de René Piot, 1921
Comoedia illustré : décors d’après les maquettes de René Piot, 1921
– « Les palettes de Delacroix » Comœdia 24 July 1930
– « Une décoration de René Piot exécutée à la « tempera », Comœdia 11 January 1934
– « Mort du peintre René Piot », Le Figaro, 26 avril 1934 
« La rétrospective René Piot », Comœdia 31 October 1935

– Galerie d’images de la banque photographique RMN

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